Un peu de lecture, un reportage paru dans le quotidien "LE TELEGRAMME" du jour.
Chantier LGV. Un travail de titans Le chantier de la LGV entre LeMans et Rennes atteint peu à peu sa vitesse de croisière. L'heure est au terrassement. À la manoeuvre, Bruno, Thierry, Bernard et Antoine, qui ont choisi une vie de «grands déplacés». «La pluie, c'est notre principal ennemi». Quand il se lève, le matin, c'est vers le ciel qu'Olivier Primet porte son premier regard. Trop de pluie et c'est le chantier qui risque de prendre du retard. Et du retard, ce n'est pas possible. Olivier Primet est le directeur de l'ensemble des travaux génie civil d'un des tronçons du chantier de la future ligne à grande vitesse LeMans-Rennes. Dans le jargon, ces tronçons, on les appelle des TOARC (Terrassement, ouvrages d'art et rétablissement des communications). La future ligne à grande vitesse a été découpée en sept TOARC, de AàG. Le TOARC B, entre Étrelles et le Genest-Saint-Isle fait près de 30km. C'est l'un des plus longs. 250 personnes y travaillent.
«Avec ça on en fait du cube»
Ce mardi 23octobre, un épais brouillard enveloppe Saint-Berthevin (Mayenne) mais il ne pleut pas. Une chance. Les engins de terrassement, en un ballet bien réglé, peuvent donner toute leur mesure. Impressionnant. Ici sera aménagée une base ferroviaire de 23hectares d'où sera alimenté le chantieren matériaux divers: ballast, traverses, rails... Bruno est à la manoeuvre dans sa 9100 Liebherr, une énorme pelle hydraulique de 120 tonnes qui, en quelques coups, remplit le Dumper piloté par Nathalie, la seule femme du chantier (lire ci-dessous). «Avec ça, on en fait du cube», lance Thierry. Lui, il est chef d'équipe d'entretien et pas peu fier de veiller sur la pelle. «On n'a pas le droit à l'erreur, une machine qui tombe en panne et c'est derrière beaucoup de chauffeurs à l'arrêt. » Alors, régulièrement, il fait, comme il dit, des «prélèvements d'organes» qui sont envoyés dans un labo pour vérification.
Un métier à part
Bruno, 47 ans, et Thierry, 46 ans, sont, comme on les appelle dans le BTP, des «grands déplacés». Le premier est originaire du Gard et le second de la Somme. Ils vont, avec leur caravane, de chantier en chantier depuis des années. Embauché en 2003 par Eiffage, Thierry adore son boulot «même si, au début, ça a été dur quand les enfants étaient petits». Originaire de Metz, Bernard est, lui aussi, un «grand déplacé». Conducteur de travaux, il a derrière lui, à 59 ans, plusieurs dizaines de très grands chantiers partout dans le monde, de la Pologne à l'Amazonie en passant par la Guyane. «Je m'occupe de tout, du bon déroulement du chantier», résume-t-il. Pas question de lambiner. «On a deux ans pour faire le terrassement, il n'y a pas de temps à perdre». Six millions de mètres cubes de déblais à bouger. Sa seule vraie hantise, c'est l'eau. «Quand on travaille la terre, ça rend tout très compliqué.» Comme Bruno et Thierry, Bernard est ici sans sa famille.«Elle m'a suivi pendant des années mais maintenant, c'est terminé. C'est un métier à part, il faut le vouloir.»
Un bon dialogue
Cette vie de «grand déplacé», c'est également celle qu'a choisie Antoine, chef de chantier. Bien qu'âgé de seulement 26 ans, ce Normand en est déjà à son quatrième chantier. Sur sa carte de visite, figure la LGV Rhin-Rhône et l'autoroute A 65 entre Pau et Langon. «C'est un choix, ça permet de découvrir la France et de rencontrer des gens qui viennent de partout.» Le boulot d'Antoine est notamment de gérer les travaux préparatoires au chantier. À lui de rencontrer les exploitants agricoles. «On explique ce que l'on vient faire. Ça se passe plutôt bien, on a un bon dialogue», assure-t-il. Le jeune homme a aussi un travail de coordination. Peut-être ce qui a de plus compliqué. «Ça va tellement vite et on est tellement nombreux, il faut sans cesse aller à la pêche aux infos. On n'a pas forcément tous les éléments.»
Délais réduits
Olivier Primet, le directeur du chantier, confirme.«Techniquement, on sait faire mais, outre la météo, la difficulté, c'est la coordination des différentes phases. «Une difficulté qui tient au mode de financement de la ligne, un partenariat public-privé (PPP). «Dans un PPP, toutes les phases se chevauchent pour réduire les délais, on a notamment moins de temps pour les contacts avec les collectivités et les riverains.» Mais, coûte que coûte, la ligne devra être terminée fin 2016. En habitué des grands chantiers, Bernard, le conducteur de travaux, n'est pas inquiet. «Si on prend du retard, on montera en puissance de chevaux. Au lieu de 100machines, on en mettra150».
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