Lyon-Turin: un chantier propice aux expérimentations techniques
Emmanuelle Picaud | le 26/07/2019
Le percement au tunnelier de la galerie de reconnaissance doit officiellement s’achever en septembre. Une opération qui aura permis d’éprouver diverses innovations.
Lyon Turin 190726 par lemoniteur by
bgmt17, sur Flickr
Le 25 juillet 2019, il ne restait plus que 340 mètres à parcourir au tunnelier Federica pour achever la galerie de reconnaissance du chantier de Saint-Martin-La-Porte, en Savoie.
Ce monotube de 9 km et ses ouvrages annexes ont été creusés en préparation des futurs travaux de réalisation du tunnel ferroviaire du Lyon-Turin qui doit relier la France à l’Italie.
Fortes incertitudes au démarrage
Le tronçon qui a déjà été creusé n’est en réalité qu’une partie du tunnel principal de 57, 5 km qui doit faire passer des trains sous la montagne. Cette section a toutefois fait office de terrain d’expérimentation, en particulier parce qu’elle a été creusée alors que la géologie laissait présager des complications.
« Nous avons dû travailler dans des formations composées de schistes, d’argilites et de grès, avec un risque de présence de veines charbon. Cette hétérogénéité des sols était susceptible de créer de fortes convergences lors du creusement. Nous ne savions pas ce que nous allions rencontrer, mais aussi comment ceux-ci allaient se comporter lors de l’excavation », résume Florent Martin, le directeur des travaux pour le groupement mené par Spie batignolles.
Adaptation du tunnelier
Le creusement de la galerie de reconnaissance a ainsi été l’occasion de gagner en expérience sur les accidents géologiques qui peuvent être rencontrés sur ces milieux particulièrement difficiles. Après avoir creusé 308 m et posé 200 voussoirs, le tunnelier Federica s’est retrouvé début 2017 dans une importante veine de charbon. « Nous avions l’impression de vider la montagne, tellement les quantités de déblais excavées étaient importantes ! », se remémore le directeur des travaux.
Pour remédier à cette difficulté, des campagnes d’injections de mousses expansives et de résines ont été réalisées à l’avant du tunnelier. Cette solution a permis de remplir les vides et d’apporter une consistance au terrain pour venir l’excaver ensuite. Par la suite, la roue de coupe du tunnelier a été adaptée : sa tête d’ouverture a été refermée pour empêcher l’afflux de matériaux en grande quantités.
Un bi-composant injecté
D’autres techniques ont également été mises en œuvre pour faire face aux risques de convergences, ces phénomènes de mouvements des sols qui poussent les terrains à se resserrer sur plusieurs dizaines de centimètres, voire de mètres. Un bi-composant a en particulier été injecté entre les voussoirs posés par le tunnelier et les sols.
Ce mélange de ciment, de bentonite et d’eau est stabilisé pendant 48h puis transporté dans une conduite jusqu’au tunnelier, où il est ensuite mélangé à un autre composé chimique avant d’être utilisé. Cette opération permet de limiter les déplacements une fois que les voussoirs ont été posés.
« L’utilisation d’un bi-composant n’est pas répandue en France, mais elle est développée dans d’autres pays du monde, par exemple en Asie. Là où nous avons innové, c’est que nous avons transporté de bi-composant depuis la surface sur 12 km et que nous l’avons fait descendre dans un tunnelier, sur une longue distance », se félicite le directeur des travaux.
Des atouts pour Spie batignolles
Avec un linéaire d’une cinquante de kilomètres, le tunnel transfrontalier du Lyon-Turin est en effet un chantier avec un très grand linéaire, mené dans des terrains géologiques difficiles, qui plus est sur des temps très contraints. Rares sont les chantiers qui cumulent autant d’exigences de manière simultanée.
« La difficulté dans les cadences contractuelles, et dans leur articulation avec les conditions relatives à la sécurité. Toutefois, la principale innovation que nous avons pu mettre en œuvre sur ce chantier réside dans l’industrialisation des procédés de soutènement et dans l’articulation de technologies certes, déjà connues, mais qui n’avaient jusqu’à présent pas été combinées ensemble », est convaincu Florent Martin.
Usine à voussoirs en sommeil
Ces nombreux retours d’expérience seront, sans nul doute, un atout de taille pour la candidature du groupement aux futurs appels d’offres, puisque la poursuite du chantier est confirmée côté italien.
Le groupement mené par Spie batignolles dispose également d’un avantage de taille pour ses dossiers : son usine à voussoirs est située à 3 km du chantier, dans les locaux d’une ancienne scierie. Ce bâtiment a produit le dernier des 52 416 voussoirs en avril 2019. Depuis, les machines sont en sommeil. Les rallumer devrait être toutefois un jeu d’enfant en comparaison des défis techniques qui attendent les futurs lauréats.
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